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Savile Row : voyage au cœur de la grande mesure

Savile Row Field Day

Lorsque la grande mesure tient portes ouvertes

Ceux qui venaient par hasard dans le quartier chic de Mayfair ce lundi 11 octobre n’auront pas manqué d’être surpris de découvrir que la rue avait cédé la place à une étendue de verdure sur laquelle déambulait un troupeau de moutons. A l’origine de cette initiative insolite plusieurs associations de producteurs de laine et la Savile Row Bespoke Association, qui réunit une dizaine de tailleurs mobilisés pour défendre leur particularisme et tenter de l’ériger en label. Si l’objectif de la journée était de faire comprendre et mieux connaître les qualités des meilleures laines utilisées par les tailleurs du quartier, toutes les maisons de couture avaient joué le jeu et dépensé des trésors d’imagination pour présenter leur art à un public profane.
La complicité bienveillante du soleil, qui a illuminé toute la journée, a offert au Savile Row Field Day une résonnance particulière et permis à un public surpris mais enthousiaste de se rappeler que l’art tailleur fait partie du patrimoine national.

Savile Row, le livre

C’est un livre qui fera date, et qui s’impose d’emblée la bible des élégants francophones, au même titre que l’incommensurable Dressing the Man d’Alan Flusser (hélas toujours indisponible dans notre langue) pour les anglophones. Son auteur James Sherwood, journaliste londonien collaborateur de longue date du Financial Times, de l’International Herald Tribune et de l’Independant, est un spécialiste de longue date de l’élégance masculine. Il fut l’une des chevilles ouvrières de l’exposition The London Cut, inaugurée à Florence avant d’être reçue par les ambassades de Grande Bretagne à Paris (2007) et Tokyo (2008), et a fourni pour cet ouvrage un travail d’historien et d’expert de l’art tailleur. A travers 350 photos et illustrations, Savile Row, les maîtres tailleurs du sur-mesure britannique rend hommage à cet épicentre de l’élégance planétaire à travers l’histoire de ses tailleurs et des célébrités qui ont fait et font sa réputation. En associant de nombreuses photos de stars internationales aux précieux documents d’archives des différentes maisons de couture, il raconte l’histoire de celles-ci, et par extension celle d’un monde exceptionnel entièrement dédié à la perfection de la ligne et au raffinement des coupes et des finitions, livrant au bout du compte un bréviaire consacré au véritable chic masculin. En conviant le lecteur à un parcours hors du temps, James Sherwood nous plonge dans une ambiance typiquement londonienne et nous invite à la rencontre de ces artisans de la façon qui font de la tradition de la coupe et du savoir-faire le secret de leur modernité, et perpétuent le goût du sur mesures et de la pièce unique faite à la main.

Fabuleux livre d’images dédié à l’élégance masculine, Savile Row s’inscrit dans la lignée des Dressing the man (déjà cité et toujours unique), Hollywood Costards (Dressing in the dark) et autres L’Eternel masculin (plus ancien et surtout beaucoup plus généraliste mais toujours remarquablement complet), dont il se distingue par son sujet plus pointu et le degré d’excellence qu’il célèbre. Si ces autres références constituent de remarquables partitions, Savile Row est orchestré comme une symphonie composée à la gloire de l’élégance et de la qualité ultimes. La préface de Tom Ford, l’une des personnalités les plus influentes du monde de la mode internationale, souligne que la plus célèbre enclave du quartier de Mayfair tient aujourd’hui porte ouverte à une nouvelle génération de tailleurs, dont on espère qu’elle saura rallier de nouvelles générations de clients à leur art tutélaire.

Un peu d’histoire

Il faut remonter au début du XVIIIème siècle pour trouver l’origine de Savile Row. De retour d’un grand voyage sur le continent, le comte de Burlington se fait construire un palais dans Piccadilly et donne à la rue qui passe derrière sa propriété (devenue aujourd’hui l’Académie Royale des Arts) le nom de son épouse lady Dorothy Savile. La proximité des demeures royales (Saint James jusqu’en 1761, puis Buckingham Palace) et de la cour qui les accompagne suscita la construction de nombreux palais et auréola Savile Row d’une réputation prestigieuse. Les tailleurs, militaires d’abord et civils ensuite, ne s’en emparèrent qu’au XIXème siècle, après que la Révolution française eut balayé les tenues de cour faites de soies, de velours et de broderies, brocards, damas et autres enluminures, et que Brummell ait inventé le dandysme en lançant le culte de l’élégance masculine. Initialement basé sur les tenues équestres et champêtres, celui-ci provoqua l’ouverture des premières maisons de couture bespoke (littéralement : sur mesures), promptes à adapter l’art tailleur à la demande. C’est à l’une d’entre elles, Henry Poole, proclamé « fondateur de Savile Row » (lire en page 120), que l’on doit l’identité particulière du golden mile (1). Fort de ce titre à peine officieux, Henry Poole devint l’homme fort du Row, personnalité influente qui recevait et conseillait tout ce que l’Angleterre comptait de personnalités influentes.

Changement d’icônes dans les années 20 : Hollywood conquiert le Row

Deux évolutions marquantes vont marquer le Row : la première guerre mondiale d’abord, et l’irrésistible explosion du prêt-à-porter, que la seconde guerre précipita. La fin de la première guerre et l’effervescence des années folles générèrent une évolution sociétale déterminante, qui vit remplacer les icônes d’hier (les monarchies et l’aristocratie) par d’autres plus modernes (les stars du cinéma). Dans les années 20 et 30, Clark Gable, Fred Astaire et Cary Grant ont remplacé les princes et les lords dans l’ordre d’accession à l’élégance, et plusieurs maisons du Row se sont fait une spécialité d’habiller ces nouveaux rois du monde, les plus célèbres étant Anderson & Sheppard et Huntsman.

S’il s’impose définitivement à partir de 1945, le prêt-à-porter n’est pas une véritable nouveauté à Savile Row, Hawkes & C° ayant conçu l’immediate wear dès le début des années 30. Dès le début des années 50 cependant, la mesure a définitivement perdu son combat contre l’industriel et la culture de l’à-peu-près peut entamer son long règne et fêter sa victoire sur les règles de l’art : l’époque est loin où le nombre de tailleurs que comptait le pays permettait même aux plus humbles de faire retoucher à leurs mesures des costumes déjà portés.

Heureusement, même si le jean se prépare à déferler sur la planète et le casualwear à montrer son vilain museau débraillé, même si les tenues d’apparat – et bientôt jusqu’au smoking – disparaissent petit à petit, et peut-être précisément à cause de cette résignation générale à la médiocrité, la grande mesure conserve ses fidèles, et mieux : en fédère chaque année de nouveaux. A l’heure où la production de masse, désormais réalisée dans le plus lointain Orient, affiche des chiffres jamais atteints dans le passé, les boutiques du Row accueillent chaque année de nouveaux impétrants, qui viennent grossir les rangs des initiés et deviendront pour nombre d’entre eux des thuriféraires du « mile en or ».

Dans la foulée des défilés de l’hôtel Savoy des années 60 (lire Huntsman en page 122), la Savile Row Bespoke Association assure depuis 2004 la promotion du savoir-faire et du degré d’exigence des maisons du Row. Elle a notamment contribué à l’organisation de la fabuleuse rétrospective The London Cut, présentée au Palais Pitti de Florence en 2006.

Enfin, ce petit tour d’horizon serait incomplet sans une mention pour les quelques maisons qui surent s’imposer récemment dans l’establishment de Savile Row, par définition plutôt traditionnaliste. Ils s’appellent Douglas Hayward ou Tommy Nutter et ils ont ramenés dans le Row des personnalités de premier plan à une époque peu favorable (Steve McQueen et Michael Caine pour le premier, les Beatles et les Stones pour le second). Plus près de nous, Ozwald Boateng a su concilier savoir-faire de grande tradition et création fashion.

A la différence des autres grandes maisons, Anderson & Sheppard n’est pas à l’origine un tailleur militaire. Une différence qui suffit à expliquer la coupe plus fluide qui caractérise l’établissement. On entretient généralement, au sujet des tailleurs de Savile Row, l’idée d’une certaine rigidité dans la tenue, liée aux origines militaires de la majorité d’entre eux comme nous allons le voir – et sur laquelle Anderson & Sheppard exprime, par défaut, sa différence.

La grande force historique de la maison est certainement l’extraordinaire phénomène de cooptation que la maison sut organiser autour d’elle quasiment depuis sa fondation, en 1906. Et la raison de ce phénomène tient certainement autant à la silhouette particulière de la coupe créée par Per Anderson qu’à l’aisance de mouvement – et donc au confort – qu’elle procure. La maison compte parmi les premières à saisir l’intérêt que représente la clientèle nouvelle des stars de cinéma, au tout début des années 20. Elle a la chance de savoir séduire celui qui est sans doute alors l’un des plus beaux hommes du monde, Douglas Fairbanks Jr, qui devient un fidèle de l’établissement – et son principal prosélyte. Il initiera Fred Astaire, Cary Grant et Rudolf Valentino aux charmes de la maison, qui la recommanderont eux-mêmes à leurs amis. L’examen des livres d’Anderson & Sheppard de l’époque permet de constater que chaque client célèbre convertissait au moins une vingtaine de profanes : un rêve pour les établissements actuels ! Vînt rapidement s’ajouter à la qualité et au style des pièces nées sur Savile Row la dimension de club informel liée au protocole de recommandation propre à l’endroit : partager le tailleur de Untel ou Intel signifiait clairement faire partie des gens qui comptent. Autres temps, autres mœurs : si la presse people restait à inventer, les premiers magazines masculins étaient alors consacrés à l’élégance, et décrivaient avec force détails les tenues des vedettes du grand écran, que tout un chacun s’efforçait de reprendre à son compte – et à son niveau.

Aujourd’hui comme hier, le style Anderson & Sheppard repose sur une coupe caractérisée par le drapé des épaules et une emmanchure réduite. Inventée par le Néerlandais F.P. Scholte, tailleur du Duc de Windsor, qui enseigna l’art tailleur à P. Anderson, la technique du drapé donne une épaule naturelle, proche de l’épaule napolitaine que l’on connaît dans le prêt-à-porter haut de gamme (St. Andrew, Kiton…). A l’inverse de l’épaule très définie, qui est souvent utilisée pour tenir la veste sur le corps, l’épaule drapée ne contraint pas le mouvement, qui reste fluide. Si elle est intéressante, la technique est aussi plus délicate. Ainsi les shoulder pads (padding d’épaule) de wading sont-ils coupés ici selon le profil des épaules du client, alors que la plupart des autres maisons utilisent des empiècements tout faits. Une opération qui donne au bout du compte une épaule peu construite, très douce.
Seconde caractéristique fondamentale du style Anderson & Sheppard, l’emmanchure réduite permet le mouvement sans altérer la tenue de la veste sur le corps. Un point technique repris à son compte par Camps de Lucas, à Paris, qui impose le montage de toute l’épaule à la main, la tête de manche plus large que l’emmanchure ne pouvant être montée convenablement à la machine. « Monter à la main permet plus de mouvement et donc plus de flexibilité, précise Anda Rowland, Vice-présidente, parce que nous pouvons jouer plus précisément sur la tension du fil pour permettre le mouvement non seulement sur l’épaule, mais aussi autour de la manche. Les gens n’ont pas l’habitude de ne pas avoir une épaule construite, très carrée, et pensent souvent qu’ils manquent de silhouette, or on ne force pas une silhouette, on essaie de faire ce qu’il y a de mieux pour elle, c’est pourquoi nous donnons beaucoup de confort, et par conséquent un vrai style. Notre client culte est Fred Astaire, or sa veste ne bougeait pas même quand il dansait parce qu’elle était très étroite à l’emmanchure. L’emmanchure est primordiale, et on peut se permettre d’avoir une épaule douce parce que ce n’est pas elle qui tient la veste ». Dont acte.

Huntsman

Toujours plus

Installé au II, Savile Row, Huntsman a longtemps eu la réputation d’être le tailleur le plus cher du marché. Comme nombre de ses consœurs, la maison a été créée au début du XIXème siècle. Initialement fabricant de guêtres, elle étendit progressivement ses activités aux tenues équestres, ce qui lui valu de devenir l’un des fournisseurs attitrés du Prince de Galles (pour ses culottes de peaux), puis de la reine Victoria (pour ses tenues équestres), et de se voir décerner ses premiers certificats royaux. Il convient de souligner l’importance des tenues équestres et champêtres à cette époque pour comprendre la réputation dont Huntsman bénéficia bientôt.

La fidélité du prince de Galles, futur Edouard VIII, et du groupe d’oisifs fortunés qui l’accompagnait partout, servit grandement Huntsman durant les années 20. L’histoire de la maison rejoint à cette époque celle d’Hollywood, puisque Huntsman comptait alors parmi ses clientes la comtesse d’Erroll, qui inspira le film Sur la route de Nairobi qui fait aujourd’hui encore le bonheur de tous les dandys en quête d’inspiration coloniale. Plus enviable a posteriori qu’en temps réel, la réputation de la comtesse, que n’avait pas arrangée les visites entourées de rumeurs plus que sulfureuses du prince de Galles et du duc de Kent à Nairobi, était carrément licencieuse à une époque où l’adjectif n’était pas le motif de notoriété qu’il est aujourd’hui. En attendant le film de Michael Radford (1987), Huntsman fait la conquête d’Hollywood dans les années 50, et devient le tailleur favori des grands élégants de l’époque : Clark Gable, Stewart Granger, Laurence Olivier, Gregory Peck deviennent des fidèles. La maison habille même les élégantes qui ne dédaignent pas l’ambiguïté des tenues masculines, comme Marlène Dietrich ou Katharine Hepburn.

Huntsman fut l’un des premiers piliers du Raw à croiser le fer avec le monde de la mode, en considérant que l’avenir de la mesure passait par les jeunes, et que ses pairs et lui-même se devaient de défendre leurs positions face aux vêtements industriels en organisant des présentations biannuelles à l’hôtel Savoy. Une préoccupation démultipliée dans les années 80, qui virent apparaître et s’imposer les grandes marques qui font et défont la mode aujourd’hui encore. Face aux Armani, Gucci, Prada et autres Versace, Huntsman s’obligea alors au prêt-à-porter, une démarche que légitimisaient plusieurs initiatives de style prises dans le courant des décennies précédentes. La clientèle traditionnelle de l’établissement réagit à cette audace insolite avec le flegme national qui la caractérise, et même la collaboration d’Alexander McQueen ne permit pas de sauver la maison d’un désastre financier prévisible, au début des années 2000. C’est à David Coleridge que l’on doit la survie de l’établissement, qui n’était plus alors la première maison du Row qu’elle était vingt ans plus tôt, lorsqu’elle employait 130 personnes. Mettant en avant un fichier clients extraordinaire (4000 capitaines d’industrie, artistes et politiciens), Coleridge sut réunir et convaincre un pool d’investisseurs et assura l’avenir de la maison. Il confie aujourd’hui à James Sherwood : « Notre ambition première était de faire les costumes les plus raffinés de Londres, la deuxième de fournir le meilleur service au monde et la troisième de faire du profit »  (Savile Row, éd. l’Editeur).

Aujourd’hui comme hier, Huntsman est l’un des tailleurs les plus chers de Londres. Plus structurés que ceux d’Anderson & Sheppard, ses costumes se distinguent par leur coupe classique caractérisée par un padding et un galbe de poitrine bien affirmés. Mais plus que leur drop, c’est la coupe à un bouton qui fit la réputation des vestes de la maison – un exercice de style difficile sur des pièces destinées à l’usage quotidien tant son équilibre est délicat à trouver. Magistral et indiscutable, celui-ci est signé Colin Hammick, maître coupeur vedette de la maison dans les années 60 et 70, durant lesquelles il passait pour être l’un des hommes les plus élégants d’Angleterre et portait les couleurs d’Huntsman au firmament.

Dormeuil

Fournisseur privilégié

Si Dormeuil ne tient pas boutique sur le Row, le tisseur français y est solidement implanté en tant que fournisseur de tissus de toutes les maisons qui comptent, et était à ce titre l’un des principaux protagonistes du Savile Row Field Day. Et si la maison propose une activité tailleur dans ses boutiques parisiennes, sa présence à Londres se limite à fournir les grands noms du bloc en tissus d’exception, ses bureaux n’étant plus dans la maison historique de Golden Square mais sur Sackville Street, à quelques pas de la célèbre artère et de ses tailleurs. Car tout comme Loro Piana, Scabal ou Zegna, Dormeuil est d’abord un tisseur. Créée en 1842 dans le Nord de la France, la maison n’ouvrira boutique à Londres qu’en 1926, alors qu’elle bénéficie déjà d’une réputation enviable. Elle a un siècle d’existence lorsque le prêt-à-porter vient modifier le visage de la profession, et parallèlement à son activité dans ce domaine, s’attachera désormais à produire des étoffes de plus en plus qualitatives et luxueuses, Dominic Dormeuil, aujourd’hui à la tête de la maison, parcourant le monde à la recherche des plus belles fibres. Une croisade qui vaut à l’enseigne de proposer aujourd’hui le Vanquish II, le tissu le plus cher du monde.

« C’est une relation qui dure depuis des années, précise Frédéric Dormeuil, directeur commercial de Dormeuil Mode. Auparavant, nous faisions fabriquer les tissus que nous avions dessiné – c’est pourquoi vous avez London-Paris sur notre griffe –  mais pour contrôler la qualité et faire face à l’évolution du marché, nous avons du acheter notre propre usine dans le Yorkshire, qui fabrique aujourd’hui 75% de notre production. Savile Row devenait un lieu incontournable pour la mesure, et nous ne pouvions pas ne pas être là. Le Row commence à changer, il y a une clientèle plus jeune. Avant la clientèle avait 60, 70 ans, aujourd’hui avec les nouveaux business il y a des millionnaires de 25 ou 30 ans qui ne peuvent pas se permettre de se montrer partout en jeans et qui ont besoin de savoir s’habiller correctement, et de savoir ce qu’ils portent. Lorsque vous sortez dîner aujourd’hui, on va apprécier le tissu de votre costume et vous demander ce que c’est, et vous ne pouvez pas vous permette de ne pas le savoir – c’est comme pour une montre : vous devez connaître sa marque, savoir comment elle marche, en quelle année elle a été créée, et caetera, cela vous donne la valeur de ce que vous achetez. Afin de répondre aux exigences de ces nouveaux clients, nous avons du nous adapter, et les collections que l’on développe aujourd’hui sont plus colorées, vibrantes. La clientèle des tailleurs est aussi constituée de jeunes, qui aiment les marques qui font la mode mais  vont aussi vers les maisons traditionnelles dont leur ont parlé leurs parents et grand-parents, ils aiment l’histoire qu’il y a derrière leurs costumes et veulent savoir vraiment ce qu’ils achètent ».

La maison présente il est vrai la particularité – et l’avantage – d’avoir un pied à Londres et un autre à Paris, et nourrit des ambitions clairement affichées concernant le marché français, comme l’indique Frédéric Dormeuil : « Pour notre ligne prête à porter, nous pensons qu’il y a une vraie place à prendre sur le marché français : en Angleterre Burberry, Aquascutum et Paul Smith, par exemple, ne laissent pas beaucoup de place, en Italie c’est assez occupé aussi, en France en revanche il y a plus de place pour une marque masculine haut de gamme. Si vous posez la question autour de vous, vous vous apercevrez que les gens n’ont aucun mal à citer cinq marques majeures de prêt-à-porter en Grande Bretagne et en Italie, mais que cela devient plus difficile s’agissant de la France. Nous avons aujourd’hui la chance d’avoir de nombreux clients qui recherchent l’élégance française dans nos collections avec toujours une touche anglaise pour les tissus, tâchons de répondre à leurs attentes !  »

Une grande mesure, sinon rien

Des 36 maisons qui constituent la famille de Savile Row, cinq seulement se sont toujours refusées à vendre du prêt-à-porter et s’attachent à perpétuer le meilleur de l’art tailleur : Anderson & Sheppard, Poole, Dege & Skinner, Welsh & Jefferies, et Sedwell.

Henry Poole

Le précurseur

La renommée de la maison est équivalente, pour bien des élégants britanniques, à celle d’Anderson & Sheppard. Créée en 1806 par James Poole, c’est sous la direction de son fils Henry qu’elle a joui d’une influence et d’une image sans cesse grandissante durant tout le XIXème siècle, sous la férule de son fondateur, qui s’imposa comme le tailleur de toutes les monarchies européennes

Celui qui devait devenir l’un des plus célèbres tailleurs d’Angleterre – et celui que certains spécialistes considèrent comme le fondateur de Savile Row – tenait au début de sa vie une boutique de nouveautés. Son père James s’était installé comme tailleur militaire en 1806, et avait connu un grand succès de façon inattendue. Engagé dans les guerres napoléoniennes, il s’y distingua pour la qualité de ses propres uniformes, qu’il confectionnait lui-même et qui lui valurent l’admiration – et surtout la clientèle – des officiers de sa gracieuse Majesté. De retour à la vie civile, James Poole retrouva son affaire et eut bientôt l’occasion de présenter ses créations à la reine Victoria, qui fut séduite par leur élégance et leur qualité, et imposa de manière implicite un dress code estampillé Poole pour les différents bals et réceptions donnés à la cour.

Son fils Henry, qui l’avait rejoint dans les années 30, sut pousser plus avant les avantages de la maison familiale et lui gagner une clientèle plus moderne. A la disparition de son père, en 1846, Henry prit une décision qui allait s’avérer lourde de sens, en déplaçant l’entrée de la boutique familiale, alors située sur Old Burlington street, sur Savile Row, sur laquelle donnait jusque là l’arrière du magasin. La maison conserva cette adresse pendant 150 ans, jusqu’à la décision du Conseil de Westminster de ne pas renouveler son bail à l’expiration de celui-ci, en 1961, pour y construire un parking. Le Conseil aurait fait utilement l’économie du scandale qui s’ensuivit, ledit parking étant finalement démoli vingt ans plus tard, et Poole réintégrant Savile Row à la grande satisfaction de ses fidèles. Mais retour à l’établissement de la maison sur Savile Row. En investissant cinq ans après cet événement dans une spectaculaire façade à l’italienne, Henry Poole lançait « le Row ». Familier des cercles royaux, Henry Poole l’était également de celle de l’empereur Napoléon III, dont il signa certains uniformes. Si ce carnet d’adresses enviable fit sa fortune, il causa également sa perte, le montant des factures royales irrécouvrables menaçant l’entreprise de faillite jusqu’à sa mort, en 1876.
A cette époque déjà, la coupe Poole était affirmée et identifiable au premier coup d’œil, les gentlemen reconnaissant les vestes dépourvues de doublures de dos, le col et les revers caractéristiques, mais aussi et surtout cette épaule naturelle presque dépourvue de padding résultant du montage tout en finesse de la tête de manche et de la répartition de l’embut.

D’Edouard VII à Elisabeth II, les monarques britanniques ont tous, toujours, renouvelé leur confiance à la maison, qui est la seule à pouvoir s’enorgueillir de quarante Royal Warrants (certificats royaux) attestant sa qualité de couturier officiel de la famille régnante.

Gieves & Hawkes

Parcours croisés

Paradoxalement, l’un des plus grands noms de Savile Row est aussi l’un des plus récents. Si les deux maisons datent respectivement de 1785 et 1771, ce n’est qu’en 1974 que Gieves & Hawkes associent leur patronyme pour devenir l’un des étendards de l’art tailleur britannique.

Installé en 1785, le premier habilla Horatio Nelson (Lord Nelson pour les Anglais et Amiral Nelson pour les Français), qui inaugura à Trafalgar la suprématie de la Royal Navy et demeure l’une des plus grandes figures militaires de l’histoire britannique, et lia intimement son histoire à celle de la Marine nationale, n’hésitant pas en 1854 à affréter un bateau pour servir de boutique de tailleur flottante et accompagner la flotte anglaise pendant la Guerre de Crimée. La Royal Navy sut remercier son serviteur : à l’aube du XXème siècle Gieve & C° était son tailleur attitré. La maison, qui pratique un système de crédit courant sur des années, possède alors une clientèle extraordinaire, mais tout comme Henry Poole avant elle, elle devra faire une croix sur une bonne partie de ses créances, émanant non des Royals mais cette fois des officiers de la Navy. David Gieve soulignait en 1938 que ceux-ci lui devaient « 500.000 livres : assez pour acheter un navire de guerre de taille respectable ».

Pendant ce temps Thomas Hawkes se bâtissait une réputation de fabricant de couvre-chefs militaires enviable, et obtenait son premier certificat royal du roi George III.  Quelques années plus tard, sa maison coiffait Wellington et son régiment à la bataille de Waterloo, comme si les histoires des deux maisons se préparaient déjà à se réunir. Mais c’est en mettant au point une technique durcissant le cuir au point qu’il pouvait résister à un coup d’épée, que Thomas Hawkes fit fortune. La seconde création déterminante de la maison est le casque colonial solaire qui, grâce à une conception exclusive mêlant liège et caoutchouc, garantissait une excellente isolation à la chaleur et une totale étanchéité. Hawkes & C° s’installe au I, Savile Row en 1912 et lance ses premiers costumes prêts à porter en 1929 afin de compenser le recul des uniformes de gala et de cérémonie. De façon pour le moins insolite, c’est finalement un acte terroriste qui va concrétiser le rapprochement des deux maisons. Hawkes se porte si mal vers la fin des années ‘70 que Gieves envisage le rachat de la compagnie, et lorsqu’une bombe de l’IRA détruit l’immeuble d’Old Bond Street, l’armée de l’ombre irlandaise précipite bien malgré elle la création de l’une des plus prestigieuses enseignes du Row moderne.

Dege & Skinner

Héritage militaire

Comme celles de la plupart de ses pairs, l’histoire de Dege & Skinner est intimement liée à ses vêtements militaires, la maison s’étant fait connaître par ses uniformes bien avant de s’aventurer dans le costume de ville. Amis d’enfance et héritiers respectifs de boutiques de tailleur, Arthur Dege et William Skinner associent leur nom au début du XXème siècle. La politique commerciale de la maison s’est longtemps appuyée sur la clientèle des jeunes officiers du Royal Military College de Sandhurst, que Dege & Skinner s’oblige à habiller à des tarifs sans concurrence afin de gagner leur fidélité à l’enseigne une fois ceux-ci rendus à la vie civile. Un calcul pertinent vérifié par la réalité des faits. Ceux qui choisissent de faire carrière sous les drapeaux restent quant à eux inconditionnellement fidèles à la maison, une rente pour celle-ci lorsque l’on sait la tradition des uniformes de cérémonie et tenues de soirée qui prévaut aujourd’hui encore dans l’armée britanniqu

Alors que les tailleurs de Savile Row se désintéressent progressivement de l’armée, Dege & Skinner intensifie son effort et veille à maintenir aujourd’hui le niveau de qualité qui prévalait hier – presque un non-sens dans tous les domaines techniques mais une qualité indéniables pour ce qui concerne l’art tailleur. Cette volonté de pérenniser la dimension particulière du fait main sans concession vaut bientôt à la maison la clientèle
de plusieurs monarchies étrangères, comme le sultanat d’Oman ou le royaume du Bahreïn, séduits par une qualité qui n’avait jusqu’ici jamais été évoquée à Savile Row : le pedigree. Une performance qui lui permet d’ajouter au Royal Warrant de Sa Majesté la Reine ceux d’un sultan et d’un roi étrangers.

Dege & Skinner peut également se prévaloir de quelques qualités chères au cœur des puristes : l’entreprise est toujours dirigée par un membre de la famille fondatrice, ledit membre (William Skinner) étant le seul véritable maître tailleur parmi les membres fondateurs de la Savile Row Bespoke Association.

Découvrez la biographie familiale intitulée « The Savile Row Cutter », écrite par Hormazd Narielwalla, étudiant au London College of Fashion aux éditions Bene-Factum.