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La famille Meilleur, à la conquête des sommets.

Et pourtant, l’histoire de René Meilleur est peu commune. Fils de paysans, il comprit avant les autres, en voyant passer les touristes ski aux pieds devant ses champs, qu’il faudrait les nourrir. La Bouitte voit le jour une sombre nuit d’hiver 1976, un peu avant Noël. De la vision originelle nait une adresse de spécialités régionales. Loin, très loin, de l’ambroisie.

La révélation se fera bien plus tard. Une visite chez Monsieur Paul à la grande époque, dans les années 80, bouleversera à tout jamais la famille Meilleur. Leur destinée se dessine ce midi là, dans la grande cuisine bourgeoise. Le gourmand René, lui, est stupéfait, conquis, renversé. Il veut à son tour son siège dans le sérail gastronomique. Il en est persuadé, la voie, escarpée, est toute tracée. Du jour au lendemain, les appareils à raclette et à fondue sont mis au rebus. Vive la cuisine en majuscules. Le risque est immense dans ce désert blanc, le pari semble insensé, comme perdu d’avance. René Meilleur cherche à tâtons, apprend et lit beaucoup en essayant de reproduire les recettes apprises au fil des pages. Malgré un travail titanesque, le succès n’est pas au rendez-vous. Qu’importe, René refuse de se résigner et persévère. Ses assiettes revêtent alors son histoire et son identité, se parant de son habit de lumière. Pas à pas, l’initiation se mue en révélation. De la cueillette et de la pêche, ses plats rendent hommage à la montagne. Sa cuisine se libère, quitte doucement les sentiers battus. Le travail encore et toujours. La simplicité est sa planche de salut. Le chef en est convaincu.

 

Mais dans les méandres du destin, René reçoit un soutien inattendu. Son fils, Maxime, champion de biathlon, échouant à se qualifier pour les championnats d’Europe, le rejoint à la fin des années 90. Quelques mois en pâtisserie se transformeront en sacerdoce. Père et fils en cuisine, autodidactes de génie, animés par la même flamme. A quatre mains, ils transformeront cette maison honorable en refuge gastronomique avec l’aide des femmes des lieux, Marie-Louise, la femme du patriarche et Sophie, la fille. Une étoile à l’aube des années 2000, suivi cinq ans plus tard d’une seconde. Les rêves les plus fous deviennent possibles. La cuisine grandit, frôlant les sommets et gagne en sagesse. Leurs assiettes deviennent des odes à l’épure. Avec toujours et encore, le besoin inextricable de revenir aux origines, à leurs racines.

 

En février dernier, La troisième étoile tombe enfin dans l’escarcelle. Le sourire de René se dessine timidement à son évocation et son regard s’enflamme d’une humble fierté. Mais il garde la tête froide, A 60 ans passés, le rituel est le même. Dès 8h30  il veille sur sa brigade. Un éternel recommencement d’une vie de labeur et de saveurs passée à la conquête des étoiles.